Lanceur d’alertes loi Sapin II : La contre-offensive du salarié mis en cause par un lanceur d’alerte en application de la loi Sapin II

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Lanceur d’alertes loi Sapin II : La contre-offensive du salarié mis en cause par un lanceur d’alerte en application de la loi Sapin II

La loi Sapin II, du nom de son promoteur Michel Sapin, ministre de l’Économie et des Finances sous le gouvernement de François Hollande, a été promulguée le 9 décembre 2016 en France a mis en lumière le lanceur d’alertes. Celle-ci a été par la suite réformée la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 renforçant le statut du lanceur d’alerte en entreprise. 

La nouvelle loi offre un cadre législatif plus protecteur aux lanceurs d’alerte, ces personnes qui révèlent des informations d’intérêt public dans un contexte professionnel ou pas.

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Comprendre le statut du lanceur d'alertes

Rappelons le nouvel article de la loi du 21 mars 2022. 

Selon son nouvel article Art. 6.-I « Un lanceur d’alerte est une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement. Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance ».

Ainsi loi Sapin II a apporté une visibilité notable au rôle du « lanceur d’alerte ». Paradoxalement, cela a également mis en exergue la situation délicate du salarié qui se retrouve dans le collimateur suite à une telle alerte.

La nouvelle protection juridique du lanceur d’alerte ne laisse pas sans recours le salarié qui se retrouve visé par ce dernier. Voici un décryptage des différentes possibilités de contre-offensive de la personne visée, voire mise en cause et des risques juridiques associés à une telle stratégie.

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Cadrage stratégique : Se défendre face aux allégations d'un lanceur d'alerte.

Contester le statut de lanceur d’alerte

Comme nous venons de voir, la loi Sapin II, dans son article 6, définit le lanceur d’alerte comme  » une personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général, une violation ou une tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ».

Lorsqu’un employé est visé par une alerte éthique, qu’il y ait des preuves solides ou non, il se retrouve dans un processus compliqué. Ce processus est influencé par plusieurs choses : la loi Sapin II, les règles du droit du travail, et parfois même, les lois pénales. En résumé, l’employé concerné doit réagir face à cette situation délicate.

Contester son statut – une démarche préalable indispensable pour la personne mise en cause

La première ligne de défense pour le salarié mis en cause serait de contester le statut de lanceur d’alerte du dénonciateur. La loi Sapin II précise en effet que le lanceur d’alerte doit agir de bonne foi et sans contrepartie financière directe

Si le salarié peut prouver qu’il y a eu une contrepartie financière directe, un conflit antérieur ou une mauvaise foi de la part du lanceur d’alerte, cela pourrait rendre le statut protecteur du lanceur d’alerte inapplicable. 

Une fois le régime protecteur écarté, le salarié visé pourra attaquer l’alerte, la dénonciation elle-même, et en fonction de ses choix stratégiques invoquer la dénonciation calomnieuse ou une diffamation. Le choix de lancer une alerte pourrait se retourner contre le salarié lanceur d’alertes qui risque une action en réparation civile, une condamnation pénale et même une sanction disciplinaire allant jusqu’à la perte de l’emploi.

Riposte légale : Utiliser la dénonciation calomnieuse et la diffamation contre un lanceur d'alerte.

La dénonciation calomnieuse et la diffamation

La dénonciation calomnieuse et la diffamation sont deux options principales à la disposition du salarié mis en cause. Ces deux notions sont régies respectivement par les articles 226-10 et 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La dénonciation calomnieuse

Rappelons que pour être qualifiée de dénonciation calomnieuse, l’accusation doit être dirigée contre une personne identifiable, concerner un fait qui pourrait entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et le caractère inexact ou mensonger de la dénonciation doit être connu de son auteur.

Cette qualification est particulièrement probable dans le cadre des alertes, où cela pourrait correspondre aux infractions spécifiées par l’article 6 de la loi Sapin II. Ces infractions peuvent être sanctionnées à deux échelons distincts.

Tout d’abord, l’employeur lui-même peut prendre des mesures si ces actes enfreignent le règlement intérieur et ses annexes, la charte éthique ou le code de conduite de l’entreprise. Par ailleurs ces actes peuvent être également qualifiés de faute et constituer une cause réelle et sérieuse permettant le licenciement du salarié. Par ailleurs, si ces actions sont jugées comme enfreignant les lois en vigueur, elles peuvent aussi faire l’objet de sanctions judiciaires.

La diffamation

La diffamation, quant à elle, suppose la présence d’allégations ou d’imputations de faits précis qui portent atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne. Pour être qualifié de diffamation, le propos doit être rendu public. Rappelons que selon l’article  R621-1 du code pénal « la diffamation non publique envers une personne est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la 1re classe ».

La vérité des faits diffamatoires peut être établie conformément aux dispositions législatives relatives à la liberté de la presse.

Attention, s’opposer à un lanceur d’alertes est une démarche délicate qui nécessite des preuves solides pour contester son statut. Sans preuves suffisantes, l’individu qui se retrouve dans la ligne de mire pourrait faire face à des sanctions sévères.

La loi récente accorde une protection accrue aux lanceurs d’alertes dans son article 9

Aux termes de cet article « toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement aux personnes et organismes mentionnés aux I et II de l’article 8 est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ».

En outre, si une procédure est intentée contre un lanceur d’alerte en raison des informations qu’il a révélées, la loi prévoit également des sanctions financières plus élevées. 

L’article 13 de cette même loi « Lors d’une procédure dirigée contre un lanceur d’alerte en raison des informations signalées ou divulguées, le montant de l’amende civile qui peut être prononcée dans les conditions prévues aux articles 177-2 et 212-2 et au dernier alinéa de l’article 392-1 du code de procédure pénale ou par les juridictions civiles en cas d’action abusive ou dilatoire est porté à 60 000 euros ». Cette amende peut être prononcée en plus des dommages et intérêts versés à la partie qui a été victime de la procédure abusive ou dilatoire.

Enfin, le lanceur d’alertes n’est pas sans défense. Il a le droit de faire valoir également l’article 10-I IIIB. Ce dernier lui permet, en tant que « prévenu ou défendeur au cours d’une instance civile ou pénale, de présenter des éléments de fait qui laissent supposer qu’il a signalé ou divulgué publiquement des informations dans les conditions prévues aux articles 6 et 8 et que la procédure engagée contre lui vise à entraver son signalement ou sa divulgation publique« . Dans ce cas, le lanceur d’alerte peut demander au juge une provision pour couvrir les frais de l’instance. 

Cette provision est basée sur la situation financière des parties et le coût prévisible de la procédure. Si la situation financière du lanceur d’alerte s’est gravement dégradée suite à son signalement ou sa divulgation publique, il peut demander une provision destinée à couvrir ses frais de subsistance.

Ces articles de loi démontrent l’importance que la législation attache à la protection des lanceurs d’alertes et soulignent les risques encourus par ceux qui chercheraient à les entrav

S’attaquer aux dérives possibles de l’enquête interne

Une enquête interne réalisée suite à une alerte émise peut parfois être source de contentieux. Si l’enquête est menée de manière suspicieuse, répétée ou si des pressions sont exercées pour obtenir un aveu, le salarié mis en cause pourrait arguer d’un harcèlement ou d’une subornation de témoin. Par ailleurs, si l’enquête ne respecte pas la présomption d’innocence du salarié, des sanctions pourraient être appliquées.

Enfin, il est important de noter que toute enquête interne doit respecter les réglementations relatives à la protection des données, y compris le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), la loi informatique et liberté et le référentiel relatif aux traitements de données à caractère personnel du 18 juillet 2019, en attendant sa nouvelle version. Ces réglementations garantissent que les données personnelles sont traitées de manière appropriée et sécurisée tout au long du processus d’enquête. Tout manquement à ces obligations pourrait également entraîner des sanctions pour l’entreprise et un signalement à la CNIL.

Ces éléments illustrent l’importance de mener les enquêtes internes avec la plus grande prudence et dans le respect des droits de la personne visée, mais aussi des règles relatives à la protection des données.

Prudence et accompagnement juridique

Le salarié mis en cause par un lanceur d’alerte a donc diverses possibilités de contre-offensive. Néanmoins, il doit rester prudent dans l’utilisation de ces stratégies, car elles peuvent s’accompagner de conséquences juridiques non négligeables. Il est conseillé de se faire accompagner par un conseil juridique pour comprendre et évaluer les enjeux de ces options.

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Pour aller plus loin : Formations pour comprendre la loi Sapin II et les nouvelles obligations de l’employeur 

Importance de la formation de la loi Sapin II 

Pour appréhender de manière optimale les défis et les implications liés au rôle de lanceur d’alerte, il est crucial de suivre des formations appropriées. Nous avons conçu plusieurs programmes de formation qui sont dirigés par des avocats experts dans ce domaine.

Notre programme « Lanceur d’Alerte : Droits, Responsabilités et Réglementations » vous permet de mieux comprendre ces sujets et de vous familiariser avec ce nouveau contexte juridique qui peut paraître complexe. 

Notre deuxième programme « Lanceur d’Alerte : Maîtrise du Statut, Responsabilités et Mise en Conformité pour l’Entreprise » vous aide à comprendre en profondeur les implications et les responsabilités du statut de lanceur d’alerte pour l’entreprise.

Ces formations sont destinées aux entreprises, aux référents d’alerte, aux équipes de ressources humaines ainsi qu’aux membres du Comité Social et Economique (CSE). Elles permettent d’examiner en détail toutes les obligations de l’entreprise concernant la mise en place d’un dispositif de recueil d’alerte. Elles offrent des connaissances précieuses sur l’information des salariés concernant ce dispositif, le recueil des alertes, leur traitement et l’enquête interne.

Ces formations sont particulièrement bénéfiques pour plusieurs raisons. D’une part, elles offrent un éclairage expert sur un domaine juridique complexe et en constante évolution. D’autre part, elles permettent à votre entreprise de rester en conformité avec les dernières lois et réglementations. De plus, elles fournissent des outils pratiques pour gérer efficacement les alertes et les enquêtes internes, minimisant ainsi les risques potentiels pour votre entreprise.

Opter pour ces formations, c’est investir dans une meilleure compréhension, une plus grande conformité, et finalement, un environnement de travail plus sûr et plus éthique.

Source : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000033558528/2023-07-09/
Source : https://www.cnil.fr/fr/dispositifs-dalertes-professionnelles-publication-du-referentiel-pour-les-traitements-de-donnees

Source : L’attitude du salarié mis en cause par un lanceur d’ alerte en application de la loi Sapin II  : de la situation subie à la situation combattue. Source : Code de la compliance dalloz

 

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