Stop au victim blaming : transformons la façon de traiter les victimes de harcèlement moral au travail
CIDFP2025-03-16T11:15:32+01:00La violence et le harcèlement au travail touchent plus d’une personne sur cinq. La première enquête réalisée au niveau mondial à propos des expériences vécues de violence et de harcèlement au travail, publiée le 5 décembre 2022, vise à améliorer la compréhension et la prise de conscience d’un problème enraciné dans des facteurs économiques, sociaux et culturels complexes.
Le harcèlement moral au travail est une réalité douloureuse pour de nombreuses personnes. Pourtant, au lieu de recevoir le soutien dont elles ont besoin, les victimes se heurtent souvent à un phénomène toxique : le blâme de la victime, ou victim blaming. Cette attitude, consciemment ou non, perpétue les dynamiques de harcèlement et empêche les victimes de trouver des solutions. Comment expliquer cette tendance et, surtout, comment y remédier ? Cet article explore les racines du victim blaming et propose des stratégies concrètes pour le combattre.
Harcèlement moral au travail : quand la victime est accusée
Le harcèlement moral au travail est un fléau qui touche de nombreuses personnes. Selon une étude menée par l’Organisation Internationale du Travail, plus de 20 % des employés dans le monde ont été victimes de harcèlement ou de violence au travail. Ce chiffre alarmant met en lumière la gravité du problème, qui dépasse les simples désaccords professionnels pour affecter profondément les individus. Mais une réalité encore plus insidieuse aggrave la situation des victimes : le victim blaming. Ce phénomène consiste à tenir la victime responsable, en partie ou totalement, du harcèlement qu’elle subit.
Comment les entreprises peuvent-elles agir concrètement pour enrayer ce phénomène ?
Comprendre le victim blaming dans le contexte du harcèlement moral au travail
Le victim blaming consiste à rendre une personne partiellement ou totalement responsable des agressions ou abus qu’elle subit. Est-il juste de blâmer une personne qui cherche simplement à se protéger ? Dans le cadre du harcèlement moral au travail, cette attitude se manifeste par des phrases telles que :
« Peut-être qu’il/elle est trop sensible. » « S’il/elle se faisait plus discret(e), cela n’arriverait pas. »
Ces remarques minimisent les actes de harcèlement et transfèrent la responsabilité de l’agresseur à la victime, aggravant ainsi sa souffrance psychologique et sa charge mentale. Par exemple, une étude menée par Stop Bully Culture (2023) révèle que dans 40 % des cas, les victimes de harcèlement sont également blâmées par leurs collègues, ce qui intensifie leur isolement et freine leur rétablissement.
Pourquoi le victim blaming existe-t-il ??
Le victim blaming est un phénomène complexe qui prend racine dans des mécanismes psychologiques profonds. Il peut être expliqué par la difficulté à accepter que l’agresseur ait pu adopter un comportement nuisible, violent et injuste. Certains individus se protègent de cette réalité choquante en niant le problème et en reportant la faute sur la victime.
La croyance en un monde juste, où chacun reçoit ce qu’il mérite, alimente également le victim blaming. Cette vision implique que si une personne est victime de harcèlement, c’est qu’elle a forcément fait quelque chose pour le provoquer ou qu’elle le mérite. Ce phénomène a des racines historiques profondes, ancrées dans les préjugés et la discrimination, notamment envers les femmes et les groupes marginalisés. Par exemple, dans les années 1960, des études sur les agressions sexuelles ont montré que les victimes étaient fréquemment accusées d’avoir « provoqué » leurs agresseurs, un biais qui persiste aujourd’hui dans divers contextes, y compris le harcèlement moral.
Un autre facteur contribuant au victim blaming est le désengagement moral. Ce mécanisme permet aux individus de rationaliser leur inaction ou leurs actions nuisibles en se déconnectant des implications éthiques de leur comportement. Par exemple, un collègue peut éviter de soutenir une victime de harcèlement en se disant : « Ce n’est pas mon problème » ou « Elle doit avoir fait quelque chose pour mériter cela ». Ces justifications permettent aux témoins et aux collègues de justifier leur manque d’empathie et leur indifférence envers la victime, voire leur participation au harcèlement.
Par ailleurs, un phénomène particulièrement complexe survient lorsque l’agresseur devient lui-même victime dans une situation de retour de bâton. Dans ce cas, un harceleur peut voir son comportement dénoncé et se retrouver isolé par ses collègues ou sanctionné par sa hiérarchie. Bien que cette personne soit responsable de son comportement initial, elle peut être blâmée de manière excessive, parfois même par les victimes elles-mêmes. Cette dynamique hybride, où l’agresseur devient à la fois harceleur et victime, illustre les tensions sociales et organisationnelles qui peuvent exacerber le victim blaming. Cela contribue à entretenir un cycle de culpabilisation mutuelle et renforce un climat toxique dans l’entreprise.
Des études ont montré que les superviseurs participent souvent au victim blaming, en particulier lorsque l’agresseur est un employé performant. Lorsque ces employés apportent des résultats importants à l’organisation, leur contribution est souvent privilégiée au détriment des victimes. Les superviseurs, conscients des avantages qu’ils tirent de ces individus, choisissent parfois de minimiser ou d’ignorer leurs comportements abusifs. Cela crée un précédent dangereux, normalisant le harcèlement et incitant à blâmer les victimes plutôt que de confronter les agresseurs. Une telle attitude alimente une culture organisationnelle toxique, où la performance est favorisée au détriment de la santé et du bien-être des employés. Cette tendance à ignorer les méfaits des employés précieux renforce la culture du victim blaming.
Au travail, le victim blaming peut se manifester de différentes manières : minimiser la situation, remettre en question le comportement de la victime, ou même justifier le comportement du harceleur. Par exemple, lorsqu’une employée signale un comportement inapproprié, ses collègues peuvent répondre : « Tu es trop sensible, ce n’est pas si grave. » Un autre exemple fréquent est de remettre en question les actions de la victime : « Pourquoi n’as-tu pas réagi plus tôt si c’était un problème ? »
Justifier le comportement du harceleur est également courant, comme lorsqu’un manager affirme : « Il est stressé en ce moment, il ne pensait pas vraiment à mal. » Enfin, certaines victimes sont directement accusées de provoquer les incidents, à travers des commentaires tels que : « Avec ton attitude, ce genre de chose devait forcément arriver. »
Ces exemples montrent à quel point le victim blaming peut non seulement aggraver la souffrance des victimes, mais aussi renforcer un climat de méfiance et de douleur au sein de l’organisation.
Les conséquences du victim blaming pour les victimes et l’organisation
Le victim blaming a des conséquences dévastatrices sur les victimes de harcèlement moral, touchant à la fois leur santé mentale et physique. Sur le plan psychologique, les victimes entrent souvent dans un processus de dégradation progressive. Initialement, elles peuvent tenter de résister et de minimiser l’impact des agressions, mais avec le temps, leur capacité à faire face s’érode. La honte et la culpabilité deviennent omniprésentes, les amenant à s’isoler de leur entourage. Ces émotions, combinées au sentiment de ne pas être crues ou soutenues, peuvent évoluer en troubles graves, tels que l’anxiété chronique, la dépression, ou encore des pensées suicidaires.
Sur le plan physique, cette dégradation se traduit par des troubles psychosomatiques liés au stress prolongé, comme des migraines persistantes, des troubles du sommeil, ou encore des douleurs musculaires inexpliquées. Un exemple poignant est celui d’un employé travaillant dans un environnement toxique qui, après des mois de harcèlement, commence à souffrir d’insomnie sévère. Avec le temps, cette fatigue affecte non seulement sa productivité, mais également ses relations personnelles. Comment une personne peut-elle trouver l’énergie de se défendre dans un tel état ? L’épuisement professionnel (burn-out) est une conséquence fréquente, tout comme les troubles cardiovasculaires et un affaiblissement du système immunitaire, qui rendent les victimes plus vulnérables aux maladies. Les relations interpersonnelles, qu’elles soient professionnelles ou personnelles, se dégradent également, car les victimes peuvent être perçues comme distantes ou sur la défensive. Cela renforce leur isolement, prolonge leur souffrance, et alimente un cercle vicieux difficile à briser.
Les victimes, souvent dépourvues de soutien, entrent dans un processus de dégradation progressive. Initialement, elles tentent de résister à l’impact des agressions, mais avec le temps, leur capacité à faire face diminue. Elles peuvent commencer à se remettre en question, se demandant si elles méritent ce qu’elles subissent. Ce doute engendre une honte et une culpabilité profondes qui les poussent à s’isoler de leur entourage. Par exemple, une employée victime de harcèlement constant pourrait éviter les interactions sociales, redoutant d’être jugée ou incomprise, ce qui alimente son isolement. Les relations interpersonnelles se tendent, car les victimes sont perçues comme distantes ou émotionnellement sur la défensive. Sur le long terme, cette isolation renforce leur sentiment d’impuissance.
Sur le plan physique, cette dégradation se traduit par des symptômes psychosomatiques tels que des migraines, des troubles du sommeil, ou encore des douleurs musculaires chroniques. Un exemple courant est celui d’un employé souffrant de troubles du sommeil chroniques dus au stress prolongé lié à des agressions répétées. L’épuisement professionnel (burn-out) devient souvent inévitable, aggravé par un stress constant qui affaiblit le système immunitaire et augmente les risques de maladies cardiovasculaires. Ce cycle d’abus, combiné à la peur de ne pas être crues ou de subir une nouvelle victimisation, complique leur rétablissement, prolonge leur souffrance et empêche toute reconstruction durable.
Comment briser le cycle du victim blaming
Lutter contre le victim blaming est essentiel pour protéger les victimes de harcèlement moral et créer un environnement de travail sain et respectueux. Cela commence par une sensibilisation active de toutes les parties prenantes, incluant les managers, les équipes RH, et les employés eux-mêmes. Les organisations doivent instaurer une culture où chaque individu comprend les mécanismes du victim blaming et ses conséquences dévastatrices.
Encourager la parole est une étape cruciale : les victimes doivent se sentir en sécurité pour signaler des abus sans craindre d’être jugées ou ignorées. Cela passe par la mise en place de canaux de communication anonymes et confidentiels, ainsi que par des procédures claires pour traiter les signalements avec équité et rapidité. Par exemple, une entreprise ayant instauré une ligne d’écoute dédiée a constaté une augmentation de 30 % des signalements, prouvant l’efficacité de ce type de dispositif (GoodRx).
De plus, des études montrent que les campagnes de sensibilisation au victim blaming réduisent de 20 % la stigmatisation des victimes en milieu professionnel (Stop Bully Culture, 2023). Former les managers et les équipes RH à reconnaître les signes de harcèlement et à réagir de manière empathique est tout aussi indispensable, car ils jouent un rôle clé dans la gestion de ces situations. Cela inclut des ateliers réguliers sur la gestion des conflits, ainsi que des simulations pratiques pour mieux comprendre les dynamiques du victim blaming.
Enfin, soutenir activement les victimes est essentiel pour leur permettre de se reconstruire. Cela peut inclure un accompagnement psychologique, des sessions de coaching, ou des formations sur leurs droits en tant qu’employés. Des recherches ont montré que les entreprises proposant un soutien psychologique voient une réduction de 25 % des congés maladies liés au stress professionnel (PMC, 2021).
Par exemple, une grande entreprise technologique a récemment mis en place un programme complet de soutien aux employés victimes de harcèlement. Ce programme comprend des lignes d’écoute 24/7, des ateliers sur la résilience et des séances de médiation pour traiter les conflits. Résultat : une amélioration de 40 % de la satisfaction des employés et une réduction notable des conflits internes. Une autre entreprise du secteur de la santé a instauré des politiques de tolérance zéro avec des enquêtes impartiales menées par des experts externes, renforçant ainsi la confiance des employés envers leur organisation.
En offrant ces ressources, les entreprises peuvent contribuer à briser le cycle du victim blaming, tout en renforçant un climat de travail basé sur le respect, la solidarité et l’écoute mutuelle. Une culture d’entreprise axée sur le soutien des employés peut prévenir ces dynamiques négatives, favorisant ainsi une meilleure cohésion et une performance organisationnelle durable.
En conclusion : ne laissons pas la culpabilité accabler les victimes
Le victim blaming est un obstacle majeur à la lutte contre le harcèlement moral au travail. Il sape les efforts de prévention, amplifie la souffrance des victimes et renforce les dynamiques toxiques au sein des organisations. Il est essentiel de prendre conscience de ce phénomène pour pouvoir agir efficacement. Comprendre ses racines psychologiques et sociales permet non seulement de le combattre, mais aussi de prévenir sa perpétuation.
En brisant le cycle du victim blaming, nous contribuons à transformer les environnements de travail en espaces sûrs et inclusifs, où chaque individu se sent respecté et soutenu. Historiquement, le travail a souvent été un lieu de reproduction des inégalités sociales, amplifiant les dynamiques de domination et de culpabilisation des victimes. Les réformes sociales du 20e siècle, telles que les lois sur la sécurité au travail et la lutte contre les discriminations, ont démontré qu’un engagement collectif peut réellement changer les mentalités et les pratiques.
Aujourd’hui, les entreprises qui adoptent une approche proactive et empathique à l’égard des victimes en tirent également des bénéfices considérables : réduction de l’absentéisme, amélioration de la cohésion des équipes et renforcement de leur réputation en tant qu’employeur de choix. En reconnaissant les racines systémiques du victim blaming, nous pouvons établir des politiques et des cultures organisationnelles qui placent la dignité humaine et l’équité au centre de leurs valeurs.
Il est temps d’agir ensemble pour éradiquer cette culture de culpabilisation et bâtir des structures organisationnelles qui placent la dignité et la justice au cœur de leurs valeurs. Imaginez un environnement professionnel où chaque voix compte, où les victimes trouvent le soutien dont elles ont besoin, et où les employés se sentent réellement valorisés. Ces changements ne se font pas du jour au lendemain, mais ils sont possibles grâce à un engagement collectif.
Partageons ces connaissances, promouvons une sensibilisation élargie et mobilisons les efforts collectifs pour garantir un avenir professionnel plus juste. En unissant nos forces, nous pouvons créer un climat de travail où chacun peut s’épanouir sans crainte d’être harcelé ou culpabilisé. Agissons ensemble pour promouvoir une culture de respect, de responsabilité et de soutien mutuel au travail.
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Formations CIDFP
Terme | Description |
---|---|
Victim blaming | Phénomène qui consiste à tenir la victime responsable de l’agression qu’elle subit. |
Harcèlement moral | Comportements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail. |
Culpabilisation | Action de faire culpabiliser une personne. |
Victime | Personne qui subit une agression ou un préjudice. |
Bourreau | Personne qui inflige une souffrance physique ou morale à une autre personne. |
Harceleur | Personne qui exerce un harcèlement sur une autre personne. |
Psychologie | Science qui étudie le comportement humain et les processus mentaux. |
Droit du travail | Ensemble des règles juridiques qui régissent les relations entre employeurs et salariés. |
Santé mentale | État de bien-être psychologique et émotionnel. |
Souffrance au travail | Détresse psychologique et physique liée au travail. |
Violence psychologique | Agressions verbales, menaces, humiliations, etc. |
Intimidation | Comportements visant à effrayer ou à soumettre une personne. |
Manipulation | Action d’influencer une personne de manière insidieuse. |
Abus de pouvoir | Utilisation excessive ou abusive de son autorité. |
Discrimination | Traitement inégal et injuste fondé sur des caractéristiques personnelles. |
Stress | Réaction physiologique et psychologique à une situation perçue comme menaçante. |
Anxiété | Sentiment de peur, d’inquiétude et de tension. |
Dépression | Trouble mental caractérisé par une tristesse persistante, une perte d’intérêt et d’énergie. |
Épuisement professionnel | État d’épuisement physique, émotionnel et mental lié au travail. |
Sources
Victim Blaming: Why People Sometimes Blame Crimes on Survivors Rather Than Abusers
Workplace Bullying among Managers: A Multifactorial Perspective and Understanding
La violence et le harcèlement au travail touchent plus d’une personne sur cinq
Harcelement au travail, AVHT vous aide face au harcelement moral et aux souffrances au travail.
Full article: Perspective-Taking Does Not Reduce Victim Blaming in Work-Related Situations
Victim blaming in the workplace – Oklahoma State University
The Dangers of Victim-Blaming in Workplace Bullying
Stop Victim Blaming: Bullies are the Problem
The Toll of Workplace Bullying – NCURA
Sexual Harassment, Victim Blaming, and the Potential Impact on Women in Cardiology
Does Workplace Bullying Have Long Term Effects? – TIS Training
The Dark Consequences of Ignorance: Fueling the Epidemic of Workplace Bullying
Lutter contre le harcèlement au travail – France Victimes
Lutte contre le Harcèlement au travail
Harcèlement et discrimination – NotMe Solutions | Employee Relations | Whistleblowing Software
Mis à jour le 04/01/2025
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